- L'Indonésie veut changer de capitale, notamment à cause des intempéries qui augmentent à Jakarta avec le dérèglement climatique.
- Pour le moment, les villes ne se bousculent pas pour s'adapter.
Le président indonésien, Joko Widodo, souhaite transférer la capitale, actuellement à Jakarta, en dehors de l’île de Java. Il évoque pour cela deux raisons : premièrement, la surpopulation de l’île entière, et de la mégalopole en particulier, mais également les intempéries et les inondations, de plus en plus fréquentes.
Une décision que seront peut-être amenées à prendre de plus en plus de villes et de pays au fur et à mesure que le thermostat explose et que le climat se dérègle. « Pour les villes, il y a trois solutions : ignorer le problème climatique et continuer à faire comme si de rien n’était, fuir ailleurs comme le fait là l’Indonésie en estimant que le phénomène est ingérable et trop important pour être contenu, ou alors essayer d’aménager le territoire en ce sens », énumère Gwenaël Jouannic, chargé de recherche au CEREMA (Centre d’Études et d’Expertises sur les Risques, l’Environnement et l’Aménagement).
On passe quand à l’acte ?
Et pour l’instant, c’est plutôt le déni qui prime, déplore le chercheur: « Beaucoup de villes ont encore du mal à prendre conscience de la gravité des catastrophes climatiques. Quand l'une d’elles débarque et ravage la ville, cette dernière est souvent reconstruite presque à l’identique, sans inclure ce facteur. » Ainsi, une étude de 2018 de l'Université de Newcastle upon Tyne révélait que seulement un quart des 885 villes européennes sondées avaient pris des mesures d'adaptation climatique.
Le chargé de recherche l’atteste : les villes prennent de plus en plus conscience de la réalité climatique actuelle. Mais elles passent peu à l'acte : « Les élus manquent de courage politique pour changer l’héritage historique des villes et les citoyens y sont également très réticents ».
Une option éphémère
Pourtant, ce qui est encore aujourd’hui une option pourrait vite devenir une obligation : « Certaines villes n’auront clairement pas le choix : dans un monde avec trois degrés de plus, les coûts de protection de certaines villes deviendront trop importants. Le Bangladesh, dont 70 % du territoire se trouve à moins d’un mètre au-dessus du niveau de la mer, n’aura d’autre choix que de préparer et d’organiser ces migrations climatiques inéluctables », tranche Vanessa Laubin, consultante Climat & Territoires et déléguée générale de Climate Chance. Les ouragans coûtent en moyenne environ 15 milliards de dollars par an à la Florideet ces derniers pourraient être amenés à s'intensifier.
Homme libre, toujours tu chériras la mer
Mais alors pourquoi les villes n'agissent-elles pas ? Parce qu'aucune d'elles ne veut payer les erreurs de constructions de leurs aînés, estime Gwenaël Jouannic, et aussi pour des raisons économiques : « Pour les pays à fort taux de croissance, renoncer aux littoraux, des zones portuaires donc commerciales, touristiques, où la population y est bien, c’est un contresens économique », estime Michel Bussi, professeur de géographie.
Pas un hasard si aujourd’hui, comme le rappelle Vanessa Laubin, 14 des plus grandes villes mondiales et 2/5ème des villes de 1 à 10 millions d’habitants sont situées sur le littoral, « la densité de population de ces villes étant généralement beaucoup plus élevée que d’autres grandes villes situées dans les terres ».
Changer le paradigme de la mégalopole
Enfin, si les villes sont si lentes à réagir, c'est aussi à cause d'une vision du monde héritée de René Descartes et des penseurs des Lumières, qui imprègne encore les consciences, rappelle Michel Bussi : « Pendant longtemps, il y a eu une vision positiviste des choses: on se pensait capable de rivaliser avec la nature et de la faire plier. Comme les Pays-bas, l’un des pays avec l’une des plus fortes densités de population et qui a maîtrisé son territoire avec des digues et d’autres systèmes de défense de la mer. »
Michel Bussi, qui est également romancier, décrit dans son dernier livre l’impact d’un tsunami fictif sur Jakarta. Pour lui, c’est aussi le paradigme de la mégapole, forcément plus vulnérable aux catastrophes que des villes dispersées, qui est en cause : « C’est l’un des défis majeurs dans les cinquante années à venir, de trouver un contre-modèle de ville face à la densification et la multiplication des mégalopoles. »
Un XXIe siècle qui sera donc forcément signe de changement dans l’urbanisme. Mais qui peine à entamer sa mue.