- Le recteur de la Mosquée de Bordeaux Tareq Oubrou vient de publier « Le Coran pour les nuls » aux Editions First.
- En 50 notions-clés pour comprendre les messages coraniques, il partage sa vision d’un islam éclairé.
- Il y aborde des notions sujettes à des polémiques dans l’espace public comme le statut de la femme et le voile.
Sur la proposition de First Editions, l’imam et recteur de la mosquée de Bordeaux Tareq Oubrou a accepté d’écrire l’ouvrage « Le Coran pour les nuls », qui vient d’être publié au mois de novembre. Défenseur d’un islam éclairé, il explique à 20 Minutes les enjeux de vulgarisation portés par cet ouvrage.
Un « Coran pour les nuls » a déjà été publié en 2009. En quoi le choix de 50 entrées de lecture que vous proposez dans votre ouvrage apporte un nouvel éclairage ?
C’est une introduction à l’esprit des messages coraniques par le biais de 50 notions, et méthodologiquement parlant ce n’est pas la même approche. Je propose des clés de lecture qui reviennent à une sorte de paradigme pour pouvoir comprendre le sens global du message coranique.
Le Coran c’est comme un courrier, il y a l’enveloppe et le message à l’intérieur. Or, certains jettent le message, l’esprit des textes, et conservent l’enveloppe c’est-à-dire le contexte, l’histoire. C’est le travail des savants de traduire les significations du Coran pour qu’elles soient audibles aux contemporains.
Vous considérez qu’il y a une méconnaissance du Coran ?
C’est vrai qu’aujourd’hui on a besoin de clés de compréhension parce que le Coran est un texte un peu anarchique du point de vue épistémologique qui n’est pas organisé ni par thématiques ni par chronologies. C’est un texte qui ne se suffit pas à lui-même.
J’ai déjà commencé cette entreprise dans mon ouvrage Ce que vous ne savez pas sur l’islam (sorti en 2016), avec des notions qui reviennent beaucoup dans les débats sociétaux et les médias comme la femme, le voile, le djihad etc. J’ai essayé de donner leurs places, plus ou moins importantes, dans le Coran.
Justement, à l’entrée « djihad » de votre ouvrage, on peut lire que « le djihad armé dans le Coran était pour défendre la foi non pour l’imposer », pouvez-vous expliciter ?
Il ne faut pas lire le Coran comme une quête permanente du conflit ; au contraire, le prophète lui-même dit : « Ne souhaitez pas la rencontre de l’ennemi. » Ce serait même antinomique si on considère que l’islam tire son étymologie de la paix.
Ce n’est pas une religion belliqueuse mais ce sont les circonstances historiques qui ont imposé la guerre parce qu’il y avait une intention d’éradication des musulmans à l’époque du prophète, vu le paysage polythéiste.
Sur le statut de la femme dans l’islam, vous faites la distinction entre les écrits et le contexte historique.
Le Coran considère Adam et Eve issus d’un même être, il n’y a pas de subordination ontologique ni morale de la femme. Les deux pèchent, se repentent et sont pardonnés en même temps. Là où il y a des différences, c’est dans le droit, qui légifère pour les corps dans des sociétés ; et à l’époque du prophète, la femme n’est pas ce qu’elle est aujourd’hui. Le Coran a traduit le principe d'égalité juridique dans un réseau tribal et patriarcal. Il ne s'agit pas de reproduire la loi de l'époque mais le principe d'égalité pour qu'il soit intégré à notre époque aujourd'hui.
Théoriquement il n’y a pas de problème, l’obstacle est culturel, identitaire, c’est ce qui fait que les musulmans ont du mal à s’intégrer dans un monde qui les perturbe.
La question du voile agite aussi les débats. Qu’en disent les textes ?
Le voile était seulement destiné aux épouses du prophète, qui devaient aussi rester derrière un rideau, ce qu’elles n’ont pas fait.
Les savants interprètent la notion morale de pudeur en fonction des cultures. A l'époque du prophète, tout le monde cachait ses cheveux, le Coran a approuvé une pratique vestimentaire d'une certaine manière.
J’essaye de ne pas froisser les musulmans parce que moi-même j’ai été dans cette lecture avec mon entourage : ma femme, mes filles etc. A un moment donné, elles ont été éduquées dans tout ça. Au fil des études et des lectures j’ai pu faire le discernement entre ce qui est un principe universel et la question du vêtement qui ne relève pas du culte mais de l’éthique. Et l’éthique intègre les codes de la société, c’est un compromis en permanence entre un principe et une réalité.
A qui s’adresse votre livre ?
L’islam n’est plus la propriété privée des musulmans, tout le monde doit être informé. Il faut que l’islam, comme d’ailleurs les autres religions, apprenne à parler aux croyants et aux non-croyants en même temps parce que les questions de la religion concernent toute la société.
Les musulmans eux aussi vont être surpris par l’ouvrage car j’y propose un nouveau logiciel pour comprendre l’islam. Ils sont un peu autocentrés sur l’identité et sur des pratiques coupées du sens, or ce livre-là donne un peu le sens des pratiques.