- Ludovic Mohamed Zahed est né en Algérie en 1977, pays qu’il quitte avec sa famille en 1995 pour s’installer à Marseille.
- Après des études à Paris à l’ENS et l’EHESS, il initie en 2010 l’association des homosexuels musulmans de France, puis ouvre en 2012 la première mosquée inclusive d’Europe.
- En 2019, il crée à Marseille l’institut Calem, avec pour objet, notamment, la formation d’imams à un islam inclusif et progressiste.
Passé le dédale de ruelles du cœur du quartier de la Belle de Mai, au cœur du 3e arrondissement de Marseille, Ludovic Mohamed Zahed – Ludovic étant son prénom adopté lors de sa naturalisation française - pousse la porte d’une discrète maisonnette de ville. L’adresse n’est pas publique, « c’est plus prudent », dit-il sans inquiétude particulière, lui qui dit vivre dans une « sainte ignorance » réciproque avec les salafistes. Imam ouvertement homosexuel, il a créé ici un institut de recherche, de publication et de formation pour imams dédié à un islam inclusif et progressiste. A bientôt 44 ans, celui qui se bat contre un islam « patriarcal, antisémite et homophobe », a largement passé l’âge des doutes de l’adolescence.
De haute formation universitaire, notamment passé par l’ENS et l’EHESS de Paris, titulaire de deux doctorats, d’anthropologie et de psychologie, Ludovic Mohamed Zahed situe son champ d’action à la croisée des disciplines. Mêlant théologie, anthropologie, philosophie et socio-économie, sa pensée, si elle s’attaque à l’islam, dépasse ce simple cadre. « L’islam est un produit de la culture et ne descend pas du ciel, contrairement à ce que certains pensent », avance-t-il. « Essayer de comprendre les gens qui ont écrit les textes il y a quatorze siècles est plus intéressant que les répéter », poursuit-il, enjoignant ainsi à un retour sur les textes saints, à l’image de ce que la Réforme a pu accomplir dans le christianisme.
Préparer la relève
Ce travail d’interprétation, il lui semble urgent de « ne pas le laisser dans les mains des mêmes barbus, hommes cisgenres et hétéronormatifs ». En 2019, il publie Homosexualité et Transidentité en Islam, une étude coranique du genre et de la sexualité, où il entend démontrer que les interprétations condamnant les homosexuels et les personnes trans, sont héritées de textes aux origines douteuses, interprétés pour servir des intérêts souvent politiques.
Cet engagement intellectuel, associatif et religieux lui est venu voilà une dizaine d’années maintenant. « Je crois que le déclic a été un débat télévisé de 2009 entre Tariq Ramadan et Caroline Fourest », se remémore-t-il en caressant sa courte barbe poivre et sel des deux mains. « Ils parlaient de sexualité et d’islam, sans que le premier ne connaisse quoi que ce soit à la sexualité et la seconde à l’islam. Je me suis dit : "ce n’est plus possible" ». Une poignée de semaine plus tard, il se retrouve avec cinq amis, homosexuels et musulmans, dans le sous-sol d’un café du quartier du Marais, à Paris. Ils fondent alors l’association des homosexuels musulmans de France, puis ouvrent en 2012, à Paris, la première mosquée inclusive d’Europe.
Peu après Ludovic Mohammed Zahed est contacté par d’autres imams engagés dans la même voie d’ouverture, essentiellement à l’étranger en Amérique du Nord et en Afrique du Sud, pour se structurer et échanger. « En France, nous sommes un peu la seule association institutionnalisée et structurée », regrette-t-il. Avec la dizaine de personnes et d’imams qui suivent actuellement sa formation, Ludovic Mohammed Zahed espère « préparer la relève », pour un islam du XXIe siècle, ouvert et inclusif.