Le maire écologiste de Stéphane Gatignon propose de légaliser le cannabis. Michel Kokoreff, professeur de sociologie à l’Université Nancy 2, auteur de La drogue est-elle un problème? Usages, trafics et politiques publiques, aux éditions Payot revient pour 20Minutes sur le cas particulier de la France en matière de consommation et de répression du cannabis...
Que pensez-vous de la sortie du livre «Pour en finir avec les dealers» de Stéphane Gatignon et Serge Supersac?
Je n’ai pas lu ce livre, mais j’ai lu les articles qui en faisaient part. Il est intéressant pour au moins une raison: il permet de poser à nouveau le débat sur les limites de la prohibition et il permet de sortir de l’hypocrisie et du statu quo sur le sujet. Dans la plupart des pays européens, un débat sur le cannabis a eu lieu ces dernières années. Et la peine la plus lourde, la condamnation à de la prison ferme, ne concerne plus désormais la simple consommation de stupéfiants (ndlr: en France, le simple usage peut être puni d’une peine d’un an de prison ferme et de 3.750 euros d’amende). En 2009, les Etats-Unis ont eux aussi posé le débat de savoir s’il fallait légaliser ou non la marijuana. Et même dans les milieux ultras conservateurs, la question n’était pas tranchée. Certains se sont aperçu que c’était aussi un moyen de faire rentrer de l’argent dans les caisses, en le commercialisant, en le taxant.
Est-ce que légaliser le cannabis fait diminuer sa consommation?
Il y a deux exemples connus. En Hollande, la politique de tolérance appliquée depuis les années 70 a entrainé une légère diminution du nombre de consommateurs. Au Portugal (ndlr: ce pays a dépénalisé la consommation de stupéfiants en 2000, ainsi que leur acquisition pour un usage personnel), une évaluation en 2008 a montré une légère augmentation chez les 20-25 ans, une catégorie très précise de la population. Mais il n’y a jamais eu d’explosion de la consommation, pas d’«épidémie», comme soutienne ceux qui sont contre la légalisation.
Peut-on assimiler la consommation du cannabis à celle du tabac ou de l’alcool?
La principale caractéristique du cannabis, c’est qu’il est facteur de troubles mentaux pour les personnes qui en consomme régulièrement. D’ailleurs, tout un marché s’est développé autour de ces conséquences, avec des cliniques et des médecins spécialisés. Comme l’alcool et le tabac, le cannabis est un problème de santé publique. Mais le nombre de morts lié à sa consommation est beaucoup moins important. Je n’ai pas de chiffre pour le cannabis, mais il faut rappeler que l’alcool fait environ 40.000 morts par an, et le tabac 60.000.